Trente neuf ans d'un régime autocrate et
liberticide au Togo ont contribué de façon déterminante
à étouffer puis à rayer de nos comportements
individuels et collectifs les habitudes démocratiques et
les attributs y liés. Ceci est surtout amputable à
la politique désastreuse du RPT qui a tenté d'asservir
le Peuple togolais en cultivant la servilité et les réflexes
politiques bas en lieu et place du débat politique programmatique
et de la gestion transparente suivis par l'action conséquente,
ferme et vertueuse pour la postérité.
Forts des expériences des douze dernières
années de lutte pour la conquête de la démocratie,
nous estimons que le Peuple togolais est suffisamment mûr
pour faire ses propres choix en toute liberté et en connaissance
de cause aux prochaines élections, pour peu que ces élections
soient libres et transparentes.
De la position de l'Eglise (19.06.02)
Nous avons pris connaissance du Message en dix sept
points de la Conférence des Evêques du Togo (CET) du
19 juin 2002 à Lomé invitant tous les partis politiques
à participer aux prochaines élections.
Nous retenons de ce message, entre autres points
importants, l'urgence et la nécessité pour tous les
partis politiques de publier les textes programmatiques où
doivent être mis en évidence leurs objectifs et les
moyens concrets de réalisation de leurs objectifs, ainsi
que leur vision de société qu'ils veulent bâtir
ensemble avec l'aide du peuple togolais dans sa diversité
et son unité.
De la position de la CDPA (19.07.02)
Nous avons pris connaissance du Communiqué
de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA)
du 19 juillet 2002 à Lomé évoquant les concertations
entreprises depuis le 4 juin 2002 en vue de s'entendre sur une base
minimale d'une union forte des partis d'opposition CAR, UFC et CDPA
et les difficultés rencontrées par cette tentative
actuellement mise en suspens pour revoir leurs propositions respectives.
Nous retenons également que les discussions
à ce sujet ont achoppé sur le deuxième des
trois points principaux suivants:
1. la mise en place d'une structure commune de gestion de la lutte,
2. une alliance électorale basée sur le choix de candidatures
uniques
lors des prochaines élections législatives au cas
où celles-ci adviendraient
3. la gestion commune de l'État après la victoire
des forces démocratiques.
Nous en retenons que les difficultés portent
notamment sur le principe des candidatures uniques de l'opposition
par circonscription électorale et que la CDPA et le CAR ont
manifesté leur volonté d'adopter les trois principes
ci-dessus cités.
De la position de la CPP (19.07.02)
Nous avons pris connaissance du Communiqué
du Comité directeur de la Convention Patriotique Panafricaine
(CPP) du 19 juillet 2002 à Lomé proposant une fusion
des partis d'opposition comme une base commune pour l'alternance.
De l'Appel de l'Eglise à participer aux élections
(30 juillet 2002)
Nous avons pris connaissance de l'Appel de la Conférence
Episcopale du Togo (CET) du 30 juillet 2002 à Lomé
invitant tous les partis à participer aux législatives
afin de permettre au peuple de désigner ses représentants
en toute liberté et connaissance de cause.
De la position de l'UFC (02.08.02)
Nous avons pris connaissance du Communiqué
de l'Union des Forces de Changement (UFC) du 2 août 2002 à
Lomé appelant tous les partis du pays à une "mobilisation
générale et patriotique pour la fin du régime
du président Gnassingbé Eyadéma.
Nous retenons que l'UFC "est plutôt favorable à
la pluralité de candidatures au premier tour et un soutien
commun au candidat de l'opposition le mieux placé au deuxième
tour".
De la position du CAR (04.08.02)
Nous avons pris connaissance de l'Appel du Comité
d'Action pour le renouveau (CAR) du 4 août 2002 à Lomé
appelant à l'union de l'opposition pour une solution de rechange
au régime du président Gnassingbé Eyadéma,
qui plaide à tout mettre en uvre pour offrir au peuple
togolais une alternative à travers un front uni".
Notre analyse de la situation socio-politique
actuelle
Rappels
Tenant compte de ce qui précède, nous
aimerions rappeler à tous les acteurs de la classe politique
togolaise et à la société civile togolaise
que le soulèvement patriotique du 5 octobre a été
un sursaut salutaire de la Nation toute entière pour un changement
et un nouveau départ et non une restauration de l'ordre ancien,
encore moins une cohabitation avec ce dernier. Telles étaient
les attentes principales formulées par le Peuple togolais
à la Conférence Nationale Souveraine de 1991.
En lieu et place de cela des négociations
entre des personnalités entretenant entre elles des rapports
pour le moins concurrentiels avaient vite créé au
sein de l'opposition les fissurations dont a su profiter le régime
du RPT autant par la répression dans le sang et la terreur
que par la " division pour régner ".
Douze ans après ce soulèvement des
jeunes à leurs corps défendant, le changement se fait
attendre: Les négociations se suivent et se ressemblent.
Forts de ces expériences et sachant que les rendez-vous avec
l'histoire sont des occasions qui ne reviennent pas tous les ans,
nous constatons que le sort de la démocratisation au Togo
ne peut relever du domaine exclusif des états-majors de partis
politiques.
Des prochaines élections au Togo
Nous avons pris note avec satisfaction des efforts
déployés par le CAR, la CDPA et l'UFC en vue de mettre
en place alliance électorale pour affronter les prochaines
échéances électorales.
Nous invitons les autres partis d'opposition à
dégager également des bases communes pour faciliter
l'alternance politique au Togo.
Nous invitons instamment les membres du RPT,
qui ne se sentent plus représenter par le parti au pouvoir,
à user de leur liberté de choix inaliénable
et à rejoindre d'autres formations de leur conviction ou
à défaut de créer un autre parti de leur conviction
profonde.
Nous tenons à rappeler que leur dignité
d'homme et liberté citoyenne leur appartiennent et à
eux seuls et que rien ne les condamne à sombrer avec le RPT,
qui a de toute évidence une vision figée de la démocratie
et de la chose publique et qui tient à " entrer dans
l'histoire à reculons ".
S'agissant des efforts de concertation du CAR, de
la CDPA et de l'UFC, nous aimerions par la présente féliciter
les acteurs de cette concertation pour leurs efforts et les invitons
à continuer à approfondir la réflexion commune:
- pour assurer d'abords le cadre institutionnel
des élections libres et transparentes tel que prévu
par l'Accord-cadre de Lomé (ACL),
- pour une campagne électorale sereine, sans débordement
démagogique et non-violente, car le Peuple n'a plus besoin
d'être convaincu pour la nécessité manifeste
d'une alternance politique,
- pour une gestion de cette période critique de notre histoire
sur des bases communément définies à court
et à moyen terme.
S'agissant du point d'achoppement des concertations,
nous tenons à souligner ce qui suit:
L'idée du choix d'un candidat unique de l'opposition
par circonscription électorale est à première
vue fort séduisante. Malgré les avantages immédiats
d'une telle stratégie, cette unité s'annonce d'action
s'arrêtera au plus tard au jour de la proclamation des résultats,
car une base programmatique commune n'existe pas. Une telle victoire
sera-t-elle gérable?
Une option au demeurant démocratique ...
La constitution d'une liste unique collective est,
par essence une stratégie électorale courante dans
d'autres démocraties, dès l'instant où un risque
de morcellement existe ou un danger majeur devra être écarté.
Cette démarche suppose cependant l'existence d'une démocratie
confirmée et d'un consensus minimal entre les partis en lice
sur la gestion de la période post-électorale.
De la nécessité de l'évaluation
des différentes formations politiques par les électeurs
Les formations politiques togolaises étant
plus connues sur la place publique à travers leurs sigles
et leurs leaders que par leurs programmes politiques et projet de
société, elles n'ont jusqu'à ce jour jamais
l'occasion de mesurer leur degré de représentativité
réelle sur l'échiquier politique national. Si l'absence
d'une telle évaluation pourtant nécessaire est beaucoup
moins imputable aux partis d'opposition qu'à la stratégie
de la terreur qui règne au Togo depuis plus d'une décennie
et a obligé la population et les partis politiques à
développer des stratégies de survie, seules les élections
et non les querelles de personnes devraient permettre au Peuple
souverain d'évaluer et d'attribuer des mentions sur la base
de leurs positions respectives sur les grandes questions à
savoir la sécurité nationale, le respect des droits
de l'homme, l'indépendance de la justice, la sécurité
sociale, le redressement économique, etc.
Comme on le devine aisément, cette liste n'étant pas
exhaustive, les priorités accordées aux différentes
questions permettront à l'électorat de se faire une
idée plus précise du profil programmatique de chaque
formation ou alliance de partis. Cette approche a, à notre
avis, le mérite d'indiquer la perception des problèmes
de chaque formation et de nous faire l'économie des querelles
de personnes, qui sont à la limite de nature à voiler
des programmes flous ou inexistants.
En Afrique du Sud avant les élections générales
de 1994, une propagande bien orchestrée aussi bien dans le
pays qu'à l'Etranger voulait laisser croire qu'un parti comme
l'Inkhatha Freedom Party de M. Buthelezi serait "incontournable"
dans la solution du problème de l'Apartheid. Mais l'électeur,
dans sa sagesse infinie, a vite fait de trancher, de prononcer un
verdict beaucoup moins contestable que si jamais une note collective
avait été attribuée à tous ceux qui
se réclamaient de la lutte contre l'apartheid ...
Le piège ethnique
Le choix de candidats uniques par circonscriptions
électorales, sans dire sur la base de quels critères
objectifs, évoluera vers des choix ethniques dans la mesure
où l'on voudrait bien choisir le candidat connu dans le village,
dans la région concernée. Il en résultera que
le candidat élu se retrouvera nécessairement dans
un conflit de loyautés entre les demandes de populations
locales, les orientations de son propre parti d'origine et les orientations
d'un parlement à qui il devra "quelque chose" de
très flou.
L'admission ou non des formations de l'opposition
participant à cette liste et le choix des postulants sont
autant de sujets qui risquent de diviser l'opposition, plutôt
que de l'unir. Les postulants qui n'auront pas été
retenus chercheront à trouver un bouc émissaire "
à l'origine de leur recalage ". Il nous parait impératif
de remarquer qu'il n'existe non plus de critère objectif
pouvant guider le dosage politique de ces postulants. Le partage
et la gestion des portefeuilles gouvernementaux représenteront
le prochain obstacle à franchir. La cacophonie, qui en résultera,
détériorera les relations entre les partis d'opposition
d'aujourd'hui ne fera que le jeu du RPT. Les conflits d'orientation
politique au Parlement se répercuteront nécessairement
au niveau d'un gouvernement dont le Premier Ministre sera pris entre
des demandes contradictoires. Tout ce qui précède
nous parait être nature à précipiter des revirements
d'alliances.
Dans ce contexte et compte tenu de ce qui précède
la formation d'une liste commune de l'opposition est aussi dangereuse
qu'une bataille de l'opposition en rangs dispersés.
C'est pourquoi il apparaît judicieux que
chaque formation politique ait le courage de soumettre son programme
politique au verdict des électeurs après avoir communément
assurer le maximum d'équité et de transparence possible
pour les prochaines élections
Les alliances et reports de voix systématiques
au second apparaissent dès lors comme une approche dictée
par le bon sens. Si les partis CAR, CDPA et UFC parlent de la nécessité
d'une alliance électorale, ils devraient, à notre
avis, tout autant faire preuve de réalisme et accepter que
ces alliances se fondent sur des contrats programmatiques et non
sur des affinités de personnes.
Tout autre arrangement serait une tentative de
permettre à des personnes politiquement peu fréquentables
ou à des formations politiques au programme flou ou inexistant
de se fondre dans la masse des postulants et d'obliger en même
temps le Peuple togolais souverain à n'attribuer que des
notes collectives non-différenciées. Or la démocratie
implique nécessairement la liberté de choix des représentants
du Peuple et de ceux qui parlent en son nom et la différenciation
entre des projets de société cohérents.
Nous estimons dès lors que ce choix devra
se faire sur la base des affinités de programmes et non par
une présélection par affinités de personnes.
De plus la nécessité d'un choix sur la base précitée
nous parait inaliénable, car c'est par rapport à ces
programmes que les formations politiques devront être créditées
de la confiance des électeurs. C'est également ces
programmes qui serviront plus tard de barème pour attribuer
aux différentes formations politiques les mentions respectives
en lieu et place de mentions collectives.
Fait en Allemagne, le 05.08.2002
Pour l'URTA:
le Bureau de Coordination Fédérale
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